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L'abbé Dessenne, L'abbé Cabias et l'orgue simplifié, l'abbé Larroque et le "Milacor"
<<...Ils veillaient même, et se consolaient du sommeil
perdu en tirant mille sons de leur voix,
en la pliant à mille accords, et en promenant sur les chalumeaux une lèvre recourbée...>>
(Lucrèce, De Rerum Natura, traduction Nisard)
(vignettes tirées des inventaires ; reférences Gallica.bnf.fr)
après la tourmente révolutionnaire, la religion reprend peu à peu ses droits au début du XIXème siècle, et de nombreux prêtres se soucient de redonner un peu de lustre aux cérémonies religieuses, particulièrement dans les campagnes; c'est aussi la période qui voit naître de nombreux mécanismes destinés à faciliter l'accompagnement du plain-chant, voire à remplacer les organistes dans les paroisses démunies; ainsi les abbés Lambillote, Dessenne, Guichené, Cabias, Larroque, et bien sûr l'abbé Clergeau, avec respectivement l'Organista ou Harmoniphone, le Symphonista, l'"Orgue Simplifié", le Milacor (ou "Mille accords"), le clavier transpositeur, et plus tard l'Antiphonal etc... mais qui facilitent ou relaient la production de petits instruments, orgues ou harmoniums, sur lesquels adapter leur mécanisme; ces petits instruments , ne possédant que quelques jeux, sont presque livrés "en kit", et le buffet sommaire est souvent réalisés par un menuisier local... quelques exemples de ces petites "orgues de campagne" (ou de choeur) :
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...............Prunay-Cassereau (inv.41) .
..................................... .............Dijon,
Notre-Dame (inv.21)........................................................
Sommevoire (inv.52) .........................
on trouve de petits meubles sous forme d'armoires, avec mécanique à balancier, ravalement de la 1ère octave, basses en bois, avec ou sans façade (postiche en général) et quelquefois les traces d'un mécanisme à cylindre, dans les inventaires on trouve les noms de Suret, Jungk, l'école de Mirecourt...
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un certain nombre d'abbés ou de curés en charge de paroisses se lancent alors avec plus ou moins de bonheur dans la facture d'orgues, ou plus précisément pour certains dans la sous-traitance et la commercialisation de petits instruments réalisés par des facteurs locaux, ou parisiens, par exemple :
l'abbé Guichené et le "Symphonista"
......
document gallica.bnf ....................... le
"symphonista" au-dessus d'un clavier d'harmonium (wikiharmonium)
l'abbé Dessenne :
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............... bulletin de la Société
des Antiquaires de l'Ouest 1927 . .....Airvault
(inv.79) l'ancienne montre de l'orgue à manivelle
afin de suppléer à l'absence d'organiste,ces instruments peuvent être à clavier ou à manivelle, nombre d'entre eux proviennent de la fabrique d'orgues à cylindres de Mirecourt : un exemple se trouve à Airvault (79), dont on trouvera l'historique ici ; il s'agit d'un orgue à manivelle qui a été restauré récemment, avec une fausse montre qui fait d'avantage penser au Milacor de l'abbé Larroque (voir ci-dessous);
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le problème de la transposition est en principe très simple sur un clavier tempéré dont tous les intervalles de seconde mineure sont égaux, puisqu'il suffit, comme le nom l'indique, de transposer les notes jouées vers le haut, ou vers le bas, comme le fait un clavier transpositeur usuel; l'affaire est plus compliquée lorsqu'il s'agit de lire une partition, pour un chanteur, ou un instrumentiste, car d'une tonalité à l'autre, certains dièses ou bémols disparaissent ou apparaissent, et la transposition à vue est un exercice assez difficile.
En 1857, Adalbert Rambures, citant les abbés Laroque, Clergeau, Lambillote, Guichené, et leurs inventions (Milacor, transpositeur, Organista, Symphonista ...) proposait une méthode quelque peu hermétique, associant des lettres, ou des signes aux notes, qu'on en juge par ces quelques extraits :
Adalbert RAMBURES méthode de transposition vocale et instrumentale (Gallica.bnf.fr)
il faut sans doute se plonger entièrement dans l'ouvrage pour tenter de comprendre ces schémas, qui semblent utiliser le langage des Shadoks, chers à Claude Piéplu (Ga, Bu, Zo, Meu) et et qui égayaient les soirées télévisées des années 60...heureusement, tout ceci n'est pas nécessaire avec un Milacor ou un clavier transpositeur!
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L'abbé Cabias et l'orgue simplifié
l'abbé Jean-Louis Cabias, (né en 1794, et qui fut notamment prêtre à Pontigny dans l'Yonne) déposa en 1831 un brevet d'invention pour un mécanisme à disposer au-dessus du clavier d'un orgue ordinaire, permettant, au moyen de rouleaux et de tringles, de jouer les accords nécessaires à l'accompagnement du plain-chant, en appuyant sur une seule touche; ce système, devait, selon lui, permettre à un enfant sachant à peine lire, et au moyen d'un ensemble de signes spéciaux, d'accompagner à l'orgue les offices religieux..
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L'Auta;Toulousains de Toulouse et amis.. 1er janvier 2013.
...Conseiller des familles ; l'orgue simplifié 1er Janvier 1833
ce système, qui comportait un petit clavier de deux fois
vingt-trois touches connut un certain succès, suite à la distribution
(massive? de prospectus en vantant les qualités, et les prix abordables...)
mais suscita également des convoitises, et peut-être des jalousies...l'abbé
Cabias dut donc quitter son diocèse de Pontigny pour s'intaller à
Paris, 8 rue des Chanoinesses;
le dispositif venait en complément des petites orgues décrites
au-dessus, la plupart fabriquées par Suret
François Joseph FETIS in biographie universelle des musiciens (gallica.bnf.fr)
mais cette nouvelle façon de jouer de l'orgue ne fut pas du goût de tout le monde, et fit l'objet d'attaques virulentes de la part de personnalités en vue de la vie musicale comme Félix Danjou, dans "De l'état et de l'avenir du chant ecclésiastique en France"
De l'état et de l'avenir du chant ecclésiastique
en France
Ainsi, à l'expiration du brevet Cabias, un nouveau brevet fut déposé par Daublaine, qui augmentait l'étendue du clavier, et permettait une plus grande variété d'accords:
(gallica.bnf.fr cliquez pour agrandir)
et il semble qu'après que cette invention ait été exploitée par d'autres (certains emploient des termes plus directs...) l'abbé Cabias se soit désormais contenté d'exercer son saint ministère, notamment à Saint-Eustache... ses affaires malheureuses l'ont endetté, et, pour l'anecdote, lors de son passage au tribunal correctionnel le 6 janvier 1838, avec sa gouvernante (agée de 38 ans...), pour un vol de cheval (!), la description qui en est faite n'est guère reluisante... mais précisons quand même qu'il a été acquitté grâce à des témoignages favorables !
extraits des délibérations du tribunal correctionnel de Paris
6 janvier 1838 (la gazette des tribunaux 7 janvier 1838)
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l'abbé Larroque et le "Milacor"
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buffet typique du "Milacor" (inv.17)
François Larroque (ou Laroque) est né en 1805
à Nérac, il sera ordonné prêtre en 1828, et dépose
deux brevets pour le "Milacor" (ou Mille accords) en 1836 et 1837
il aurait travaillé pour Goujon, Desjardin, été en relation
avec Suret, Junck et s'installe comme facteur d'orgues à Paris
on le retrouve également associé avec l'abbé
Lapeyrère de Tours,
à noter qu'un des représentants de la fabrique
"Milacor"Larroque dans la région de Toulouse
est un certain Théodore Puget...:
la dynastie Puget et l'orgue de Bonnefoy Les amis
des archives de la Haute-Garonne ; (petite bibliothèque n°162
page 4)
Jean-Marc Cicchero précise les liens de Théodore
Puget avec l'abbé Larroque à ses débuts:
http://www.orgue-puget-lavelanet.com/2019/05/les-puget-une-dynastie-de-facteurs-d-orgues.html
(on doit notamment à Larroque, le premier orgue de Saint-Exupère à Toulouse)
Théodore Puget ne sera donc plus un collaborateur ou
un associé, mais devient un concurrent!
la maison Larroque propose de petits instruments, avec souvent un petit pédalier, quelquefois à la française, avec le système Milacor adapté, buffets-caisse ou armoire, fausse montre réalisée par un menuisier local suivant dessin fourni : on retrouve les trois tourelles séparées par deux plates-faces, à deux étages, avec une envolée courbe figurant les ailes d'un oiseau... ou d'un ange?
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couronnés de croix, lyre, pots-à-feu, plates-faces simples ou
dédoublées, vides ou pas, mais toujours la même allure générale
de ces "fausses montres"
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Almanach Bottin du commerce de Paris, 1855 (gallica.bnf.fr) et rue des Lions-St-Paul
si l'on en croit cet extrait de "L'orgue Cavaille-Coll de la Madeleine" du site www.musimem.com, il faisait partie des facteurs d'orgues "les plus réputés de l'époque"!
www.musimem.com ,Orgue CC de la Madeleine
Paris
l'entreprise Milacor intervient en 1844 dans la reconstruction du grand orgue de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Perpignan :
<<. Le devis est établi en 1843 par le facteur d’orgues
parisien Jean Goujon et les travaux sont réalisés par l’entreprise Milacor de
l’abbé Larroque,
dirigée par le facteur Frédéric Junck. Des problèmes financiers en retardent
l’achèvement jusqu’en 1845. Ce grand orgue,
qui double presque celui qu’il remplace, est très vite contesté. Dès 1850, la
fabrique demande un rapport et un devis à Aristide Cavaillé-Coll
qui le dit « reconstruit par un facteur incapable […] déjà aujourd’hui hors
d’état de servir ».>>
(https://www.culture.gouv.fr/Media/Medias-creation-rapide/La-restauration-du-grand-orgue-de-la-cathedrale-de-Perpignan.pdf)
avantages comparés du "Milacor" Cabias-Larroque" et de
l'orgue à cylindre...(gallica.bnf.fr)
on peut encore citer cette phrase, extraite d'archives tirées
des inventaires (réf. en recherche) disant en substance, que
" Cavaille-Coll et Larroque ont pour eux l'excellence, mais le second a
le génie en plus..." !
mais tout ceci se termine avec la faillite en 1862 : c'est alors l'heure de gloire (si j'ose dire) de l'abbé Clergeau, et de son petit orgue "de série". Bien qu'il soit difficile de tirer des conclusions sans plus d'éléments, il faut remarquer les points suivants: l'appareil Milacor était un argument pour inciter les petites paroisses à acheter un "vrai" orgue, qui ne soit pas uune serinette à manivelle; mais il semble que l'orgue avec lequel il était livré n'ait pas été d'une qualité de facture propre à défier les siècles... dans certains cas, il s'agit de "deux ou trois caisses" expédiées par chemin de fer, et un menuisier ou un artisan local devait assurer la construction d'un buffet, et d'une fausse montre, qui visiblement correspondait à un dessin imposé, comme le seront plus tard les buffets de l'abbé Clergeau. Mais dans ce dernier cas, il s'agissait bien de vrais buffets, avec une façade parlante d'une toute autre allure, j'imagine d'âpres discussions dans les presbytères, à propos des mérites comparés de l'un ou l'autre instrument, suivant qu'on avait à sa disposition un organiste, ou pas!
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les buffets de Chaillac (inv.36) et St-Nicolas-La-Chapelle-Chaucisse (inv.73)
une grande différence de qualité dans la réalisation de
ces deux buffets...
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faillites de François Laroque et de Suret, la même année...
(le "E" qui suit "Suret" est curieux...)
annuaire des faillites du tribunal de commerce de la Seine (gallica.bnf.fr)
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quelques instruments au fil des inventaires
(en cours de réalisation, vignettes tirées des inventaires)
attention, aucune prétention historique, les sources citées sont pour la plupart des inventaires papier publiés il y a bien longtemps maintenant, et pour nombre d'entre eux, largement dépassés, en raison de restaurations, modifications, ventes, destruction, ou autre alea de la vie des ces instruments; mais cela peut constituer une vue d'ensemble à une époque donnée, et un point de départ pour la réalisation d'une future synthèse; ( tous les instruments présentés ci-après ne sont pas de Larroque, commentaires et détails à venir)
03 Gannat
transféré de St-Genes-les-carmes Clt-Ferrand en 1843 (inv.03)
(voir 63 Clermont-ferrand)
11 Fanjeaux, Molandier, Villasavary
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Fanjeaux .................................... Molandier
....................................... Villasavary
(Société d'études scientifiques de l'Aude http://www.sesa-aude.fr)
il ne reste de ces trois petits instruments que des buffets vides, avec quelques tuyaux entreposés sur la tribune ; une lettre (inv.11) attesterait du travail de Larroque à Villasavary, et certaines caractéristiques pourraient laisser penser qu'il est intervenu sur les autres instruments, surtout que Théodore Puget fut organiste à Fanjeaux, et représentant de la maison Larroque (voir au-dessus) ; des recherches sont en cours
17 Marennes
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(cliché Maurice Rousseau SATFO et inv 17) buffet caractéristique
du "Milacor" Larroque
17 Tonnay-Charentes
""En 1831, la tribune est construite pour recevoir un orgue.
On y installe un orgue "Mille accords" de l’Abbé Larroque"(inv.17)
21 Dijon Notre-Dame
attribution incertaine ; Daublaine ? (inv.21)
composition et facture caractéristique : M8 B8 Fl4 D2
31 Toulouse Hopital de Lagrave
(inv.orgues méridionnales) attribution incertaine
sur le modèle de l'"orgue de chapelle" de Stolz
36 Chaillac
construction de la tribune pour recevoir un orgue de l'abbé Larroque
1838 (inv.36)
buffet en pin réalisé par un menuisier local; l'instrument a depuis
été restauré par Olivier Chevron et un
nouveau buffet construit, la voix céleste a été remplacée
par un nazard
http://www.orguescattiaux.com/Liste%20instruments%20OC/Chaillac/Chaillac.html
37 Charnizay
attribution incertaine ; pédalier à la française ; clairon-hautbois
37 Tours ND la riche
1842
mention Milacor Bonn (inv.37)
37 Tours Saint-Gatien
(inv.37 devis pour un "Milacor)
37 Tours St-Julien
1858-59 Milacor mention abbé Lapeyrère (inv.37)
41 Blois, cathédrale orgue de choeur
inv.41 Blois, cathédrale orgue de choeur
mention de Larroque-Lapeyrère
41 Prunay-Cassereau
attribution incertaine
(Mirecourt?)
52 Sommevoire
don à la paroisse en 1848; attribution incertaine (Mirecourt?)
"construit comme les orgues à manivelles" (inv.52)
63 Clermont-Ferrand
St-Genès-les-Carmes
(extrait inv.63)
73 St-Nicolas-la-chapelle
église de Chaucisse
buffet soigné plaqué noyer; comportait initialement
deux volets en façade
la composition initiale (B8 Pr4 D2 Cl4) correspond au petit modèle des
Milacor de l'abbé Larroque
E. Périer de la Bathie note la présence d'un second clavier :
celui du Milacor ? (inv.73)
73 Montmélian
offert à la paroisse vers 1850, "atelier parisien
Larroque, Goujon, Desjardin " (inv.73)
agrandissements ultérieurs; surélévation du buffet, comme
le précédent (pour cacher des basses ?)
79 Airvault
fausse montre de type "Milacor" placée devant un orgue à
clavier et cylindres fourni par l'abbé Dessenne
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89 Escamps
façade postiche; orgue à cylindres (Mirecourt?)(inv.89)
89 Saint-Merry-la-vallée
nombreuses similitudes avec le précédent
meuble typique, avec deux volets en façade (inv.89)
89 Nitry
orgue à cylindre sans clavier, mais façade de type " Milacor"
(inv.89)
89 Saint-Valerien
origine incertaine, mais avec transpositeur et soufflerie à pied
ancienne façade néogothique disparue (inv.89)
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